Dans le cadre de la grande concertation du « Ségur de la Santé », lancée par le Gouvernement, afin de tirer collectivement les leçons de la crise sanitaire COVID-19 et bâtir une nouvelle organisation de notre système de santé, ceci est ma contribution en tant que députée. Elle s’appuie sur des remontées issues de quatre origines :

  • Mes échanges réguliers avec la direction administrative et le personnel de santé du Centre Hospitalier Intercommunal Poissy/Saint-Germain-en-Laye (CHIPS) avant et pendant la crise sur l’amélioration des soins et des urgences ;

  • Ma participation active au sein d’un comité territorial menée par la direction départementale des Yvelines de l’Agence Régionale de Santé d’Île-de-France (ARS) sur la gestion de la crise sanitaire ;

  • L’action menée par les forces armées en Île-de-France dans le cadre de l’opération « Résilience » depuis le Centre des opérations interarmées basé au camp des Loges de Saint-Germain-en-Laye ;

  • La synthèse des remontées de l’Assemblée citoyenne que j’ai formée dans ma circonscription, afin d’obtenir le regard des « usagers ».


I – Échanges avec le CHIPS

Une revalorisation salariale nécessaire et attendue pour réparer certaines iniquités :

  • Renforcer l’attractivité du public par rapport au privé.

  • Combler les écarts creusés entre praticiens de diverses disciplines. Le recrutement sur amélioration de salaire engendre d’importantes différences de rémunération (entre clinicien et anesthésiste par exemple) ainsi que des frustrations.

Système de tarification T2A – pas de demandes d’abolition, mais de réajustements :

  • Il existe des missions non rentables et dont pourtant la prise en charge est incontournable ; il s’agit de l’« hôpital de la charité », dont le rôle social n’est pas suffisamment reconnu et rémunéré.

  • Un système pernicieux qui encourage les praticiens à rechercher le « meilleur » codage pour maximiser le remboursement par la Sécurité sociale.

  • Des réajustements tarifaires systématiquement à la baisse.

Le manque d’attractivité des hôpitaux périphériques par rapport à l’APHP :

  • Le manque d’effectifs d’infirmières et d’internes est patent et crée une source de tension permanente sur le personnel.

  • Il en va aussi des jeunes médecins ; Comment assurer la relève ?

Une réforme de l’internat questionnée :

  •  La réforme de l’internat a fait des hôpitaux périphériques une variable d’ajustement, notamment avec le critère d’inadéquation de « 10% » (+ de postes que d’internes). + « Internes en formation, pas au travail ».

  • Le chef de service n’a pas son mot à dire sur le recrutement des internes et la rotation des internes se fait en simultané provoquant une désorganisation des services.
Proposition de réunir ARS, élus locaux et parlementaires afin de travailler ensemble sur les questions de logement et de transports au sein du bassin de vie autour du centre hospitalier pour attirer les internes (l’accessibilité est un des premiers critères que regarde un stagiaire) et en vue d’enclencher une campagne de communication sur l’attractivité de notre territoire.

Proposition de réviser la réforme de l’internat en vue d’obtenir une meilleure répartition des affectations sur le territoire national.

De l’organisation et de l’humain, de la bonne répartition des rôles entre administration et chefs de service :

  • La crise sanitaire a révélé un nouveau fonctionnement en mode « crash test » pour lequel l’ensemble du personnel a développé une énergie forte et retrouvé le sens du métier.

  • La gestion des flux et la répartition des patients ont bien fonctionné selon : cas COVID-19 ou non, urgent ou non.

  • Les adaptations développées en situation de crise sont à poursuivre : ont été instituées des réunions de révision du fonctionnement avec l’engagement de chacun à être plus réactif, à décloisonner au sein de l’hôpital et aussi au sein du GHP sont instituées. Quelques témoignages : « On était dans notre cœur de métier. Cela nous a remis sur un pied d’égalité entre médecins. On a appris à se connaître ! Chaque médecin était joignable par tous les collègues de tous les services, par les urgences et cette possibilité était ouverte aux médecins de ville ».

  • Il apparaît urgent de raccourcir le délai entre le moment où les idées émergent et leur réalisation effective. « Réfléchir à la fixation d’objectifs quantifiés au niveau des délais de réponses ».
– Il s’agit de ne surtout pas revenir en arrière. Administration et personnel soignant s’accordent à œuvrer à un mode de fonctionnement plus décloisonné où les freins sont levés, où l’articulation entre services est parfaitement fluide et réactive.

– Côté pratique : mettre à disposition des téléphones 06 par spécialité, par service… pour échanger entre praticiens au sein du centre hospitalier,
avec les GHT, avec les médecins de ville.

En somme, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise organisation, il n’y a que des organisations qui fonctionnent et il faut éviter de se rejeter la faute => « On ne peut fédérer une communauté si cette dernière n’est pas unie autour d’un objectif commun. »


II – Participation au sein du comité territorial menée par l’ARS

Un temps d’échanges apprécié et à prolonger entre l’ARS, les secteurs civils et privés, ainsi que les élus

  • La crise a conduit l’ARS78 à s’ouvrir et à communiquer abondamment auprès d’acteurs non habituels (exemple les parlementaires). Il faut tirer parti de ce Momentum en la faisant travailler plus conjointement avec les représentants de la société civile et en sortant de son couloir purement « techno ».

  • L’ARS78 et le CPTS ont retenu la proposition de mener un travail collégial pour développer et communiquer sur l’attractivité du territoire, notamment dans le but d’attirer des internes en médecine.
Faciliter la vie quotidienne des infirmières, aides-soignants… passe aussi par la mise à disposition de logements accessibles et le développement de nouvelles solutions de mobilité, (notamment le transport à la demande en dehors des heures de pointe, solution que je pousse auprès d’IDF Mobilités.)

Une réponse collective qui a tardé pour les EHPAD en phase d’émergence du virus :

  • Les masques, les directives n’étaient pas disponibles en EPHAD au début de la crise, c’est à mon sens, le point négatif majeur dont nous portons la responsabilité collective.


III – Action de l’État-major interarmées de la zone de défense de Paris (EMIAZD-P), au sein du Centre des opérations interarmées basé au camp des Loges de Saint-Germain-en-Laye durant la crise sanitaire : apports sur les plans sanitaire, logistique et sécuritaire par l’opération « Résilience »

Un engagement qu’il convient de rappeler

Sur le plan sanitaire :

  • Mise en œuvre de moyens aériens spécifiques participant aux opérations de transfert sanitaire :
    • 41 patients transférés depuis l’aéroport d’Orly vers les régions et hôpitaux moins impactés par le virus, désengorgement des plateaux de réanimation dans les hôpitaux d’Île-de-France ;

  • Interventions d’officiers de liaison au profit de l’ARS afin de coordonner les moyens entre différents services.

  • Renforcement des militaires de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) au sein des équipes d’intervention et les hôpitaux d’instruction des armées (HIA) pour le transfert de patient par des auxiliaires sanitaires du régiment médical.

  • Prise en charge des patients atteints du COVID-19 et participation au dépistage de la communauté francilienne de soignants par les effectifs issus des hôpitaux d’instruction des armées (HIA).

  • Mise en place de capacités de désinfection approfondie et de conseils spécialisés au profit des institutions.

Sur le plan logistique :

  • Apports des militaires aux organismes civils dans la manœuvre de livraison et d’acheminement, par voies aérienne et terrestre, de matériel sanitaire, ainsi que par l’affectation d’experts logistiques auprès des autorités civiles et sanitaires (ARS et APHP).

Sur le plan sécuritaire :

  • Protection de sites sensibles comme les hôpitaux civils.

  • Surveillance renforcée de sites de production de gels hydroalcooliques et de sites industriels et des missions de présence dissuasive.

  • Sécurisation de convois de transport ou de stockage sur des sites militaires de matériels sensibles dans le cadre de la manœuvre d’approvisionnement.


IV – Verbatim et propositions par les membres de l’Assemblée citoyenne de ma circonscription

Repenser la relation au patient :

  • « Que le patient soit traité comme une personne, et non comme un objet ». Temps d’attente long aux urgences, manque d’information durant l’attente, sentiment d’inconfort, trop peu d’échanges avec le personnel soignant par manque de temps.

  • « Avoir un système médical dont le collectif assure une vision simple pour le patient, plutôt que de reconstituer soi-même un puzzle. »

  • « Dans le cas de personnes très âgées, assurer avec la famille des relations fluides avec les différents services et spécialistes ».

Revaloriser les salaires des soignants :

  • « Ramener les salaires au niveau des pays comparables (10% en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE aujourd’hui). Mais je ne pense pas que cela puisse se faire au prix d’une augmentation du coût de la santé (11% du PIB ce qui est, avec l’Allemagne, la part la plus importante d’Europe). »

  • « S’inspirer des bonnes pratiques des autres pays. Tant que cela n’est pas fait je ne pense pas qu’on soit en position de prendre des décisions structurelles. »

  • D’accord pour augmenter la dépense publique en France, « mais uniquement pour ce qui à mon sens est nécessaire pour les générations suivantes… et pour le progrès de l’humanité. »

  • « Un réaménagement des horaires, passant par des effectifs suffisants. »

  • « Une meilleure organisation administrative simplifiant ou éliminant les taches qui éloignent de l’acte de soin et de la prise en charge sociale et psychologique des malades. »

Repenser l’organisation du système de soins :

  • « En utilisant l’organisation des Centres de lutte contre le Cancer définie par l’Ordonnance d’octobre 1945 signée par le Général de Gaulle, soumettre la direction des hôpitaux à la nomination d’un médecin directeur nommé après avis de la Commission médicale d’établissement, de l’ARS et l’accord du Ministre de la Santé.  Ce médecin bénéficiera d’un service administratif dirigé par un Directeur Général des Services. C’est le modèle de la vie municipale. »

  • « Une collaboration avec le secteur privé avec inventaire des moyens humains et techniques pour une éventuelle mutualisation de ces moyens en cas de nécessité me paraît indispensable. »

  • « Restaurer un rôle pivot pour le médecin généraliste : rôle de coordination, d’explication, de synthèse, de pédagogie, face à un système tentaculaire, dont le mode d’emploi semble complexe. Pour se faire, augmenter le temps de consultation, et donc la rémunération, diminuer le temps passé derrière l’ordinateur, avoir des processus administratifs plus simples. »

  • « Libérer du temps au personnel soignant au sens large. Pour cela, disposer de davantage de personnels soignants et de moins d’administratifs, en ayant la gestion la plus locale possible. Proposer de la promotion interne et formation aux soignants actuels, proposer des reconversions au personnel administratif, faire participer le personnel administratif régulièrement à certains process de soins, en leur demandant dans la mesure du possible de participer aux actions du collectif sur des choses simples. »

  • Développer le bien-être au travail : sortir d’une logique purement financière pour limiter le « turn-over ».

… Et redéfinir la distribution du système de santé sur le territoire :

  • « Centres de préventions de santé, d’hygiène et de lutte contre les addictions ; médecine de ville regroupée dans des maisons de santé disposant de moyens d’analyse, de radiographie et échographie, sachant proposer des soins sans reste à charge ou d’avance à faire.

  • « Généralisation des moyens informatiques de prise de rendez-vous (optimisant les délais de prise en charge) et pré-diagnostic et orientation par vidéo-consultation. »

  • « Retour des urgences vers leur mission d’origine ; cliniques privées ; hôpitaux de proximité ; hôpitaux et CHU avec plateaux de médecine lourde ; centres de suite de soins ; soins et hospitalisations à domicile ; maintien à domicile des personnes âgées ; EPHAD. »

  • « Il est curieux que le système de soin dit « libéral » soit en fait financé par la dépense publique. Il faut donc accepter les contrôles (du libéral) et les sollicitations fortes (sociales) permettant de migrer d’une politique de soin à une politique de prévention. »

Sur la T2A :

  • « Les coûts principaux, amortissement du matériel et salaires des opérateurs sont des coûts fixes, qui doivent donc être rémunérés par des recettes fixes. Vouloir supprimer toute notion de « rentabilité » (plutôt d’efficacité, le budget n’étant ici qu’un outil de gestion), n’est pas la meilleure idée. Il faut en revanche utiliser les bons inducteurs de coûts : nombre d’acte pour mesurer l’utilité sociale d’un équipement (ne pas suréquiper est fondamental), recettes fixes ou variables selon le type de coûts : amortissement du matériel médical ou coûts d’hébergement des patients. Tarifer, c’est uniquement choisir un mode de répartition des coûts, et si les règles sont stupides, il est normal que les comportements et les décisions le soient aussi. »

Développer la médecine préventive :

  • « Éducation, information, dès l’enfance, sur l’alimentation saine, l’exercice physique, l’hygiène. »

  • « Examens préventifs réguliers, vaccination obligatoire, médecine préventive remboursée. »
  • « Pour les jeunes adultes : information et lutte réelle contre les produits (que l’on ne confine pas !) comme le tabac, le cannabis (et pire), l’alcool, les plats transformés. Sans aller peut-être jusqu’à la prohibition, trouver toutes les formes de difficulté d’approvisionnement (prix, taxes…). »

  • « Pour tous : lutte contre les particules fines (limitation de vitesse, taxes dissuasives ou interdiction des véhicules lourds et polluants, politique positive, sous forme de taxes réduites et de crédit d’impôt pour les investissements verts (chauffages non polluants). »

  • « Généralisation, simplification, ergonomie, efficacité et obligation d’usage du Dossier Médical Partagé (le DMP) (afin de prévoir, historiser, chasser les doublons et la prise excessive de médicaments). »
Share This