Une année européenne #813 min read

Retour sur la conférence-débat sur l’Europe qui s’est tenue en présence de Madame Nathalie Loiseau, Ministre chargée des Affaires européennes et Madame Astrid Panosyan, Déléguée à l’Action Internationale de La République en Marche! à Saint-Germain-en-Laye, le mercredi 20 février 2019.

 

L’Union européenne : un sujet qui intéresse les Français

Depuis de nombreuses années, les médias nationaux ont boudé les thématiques européennes. « Trop techniques », « trop éloignées », ces problématiques ne soulèveraient pas l’enthousiasme des Français.

Pourtant, en 2018, près de 1 100 consultations citoyennes européennes ont été organisées en six mois. 70 000 citoyens ont participé à ces événements dans 97 départements français, démontrant « la force des attentes de nos concitoyens vis-à-vis de l’Europe. »

Une nouvelle preuve de cet engouement a été donnée mercredi 20 février : nous étions près de 300 personnes à venir débattre sur ce sujet. Les deux heures d’échanges n’ont pas suffi à épuiser les nombreuses questions de la salle qui portaient sur des sujets aussi variés que la culture, la fiscalité, la défense ou encore les migrations.

 

Les instances européennes souffrent d’un important déficit de communication

Pour la Ministre Loiseau, « c’est un échec collectif ».

La communication de la Commission y est pour beaucoup. « Ils ont l’art de dire des choses simples de façon compliquée ». Une parole technocratique a indéniablement contribué à maintenir les institutions européennes à distance des citoyens.

Mais cette mise à distance a été entretenue par les médias, qui se sont détournés de Bruxelles, et les gouvernements, qui ont largement exploité cet éloignement à des fins de politique intérieure et ont appliqué la formule « échecs européens, succès nationaux ». En reportant la responsabilité des problèmes de politique intérieure sur Bruxelles tout en s’arrogeant les fruits des succès européens, ils ont contribué à décrédibiliser l’action de l’Union européenne.

La pérennité de cette logique arrive à son terme. Partout en Europe, les égoïsmes nationaux sont autant de forces centrifuges qui menacent notre Union. Cette menace est réelle : pour la première fois de son histoire, un de ses membres va quitter la communauté.

 

L’Union européenne n’est pas le problème, mais la solution

Le Royaume-Uni, influencé par un discours populiste et démagogue, a choisi de quitter l’Union européenne. Une partie de la classe politique n’a pas hésité à mentir délibérément à l’opinion publique pour arriver à ses fins. Au lieu de la promesse d’une indépendance retrouvée et de « récupérer 350 millions de livres sterling donnés chaque semaine à l’Union européenne » (Nigel Farage), les Britanniques commencent déjà à ressentir le coût de la séparation de l’Union. Honda vient ainsi d’annoncer la fermeture de son usine.  3 500 emplois sont appelés à disparaître, et près de 7 000 autres emplois induits. D’autres entreprises, y compris britanniques, ont déjà fait le choix de se relocaliser sur le continent, ou s’apprêtent à le faire.

Au-delà des restrictions d’accès au marché unique, c’est bien à la force de l’Union européenne que les Britanniques ont renoncé. Aucun État membre n’est en mesure de soutenir seul un programme spatial ambitieux comme Galileo. Aucun État membre n’a suffisamment de poids pour imposer seul le haut degré d’exigence souhaité par l’Europe à l’OMC. Et aucun État membre n’est en mesure de tenir tête seul aux grandes entreprises mondialisées.

Quand la France condamne Google, elle réclame 50 millions d’euros. L’Union européenne, elle, est capable d’infliger une amende de 2,7 milliards d’euros en 2017 et de 4,3 milliards en 2018.

Le fait que les États-Unis de Donald Trump soient autant agressifs envers nous « démontre que l’Union est perçue comme elle ne se voit pas encore : comme une vraie puissance mondiale » (Nathalie Loiseau).

Pour cela, il nous faut aller plus loin collectivement. Et nous avons déjà commencé à avancer.

En matière de défense, j’ai rappelé que des progrès importants ont été réalisés en moins de deux ans : la Commission européenne a mis en place le Fonds européen de la défense (FED) en parallèle de la Coopération structurée permanente (CSP), décidée par le Conseil, qui regroupe 25 États membres.

Le FED doit avoir non seulement un effet d’entraînement sur les programmes européens de défense mais aussi un rôle fédérateur pour la Base industrielle et technologique de  défense européenne (BITDE), contribuant ainsi à la rationalisation des équipements.

Au niveau bilatéral, la France et l’Allemagne ont souhaité renforcer encore leurs liens. Les deux pays ont notamment lancé deux programmes structurants : le système de combat aérien du futur (SCAF) et le main ground combat system (MGCS – futur système de char de combat). Ces programmes bilatéraux ont vocation à s’ouvrir à d’autres pays à un stade de développement ultérieur.

Enfin, la France a lancé avec 9 autres pays l’Initiative européenne d’intervention (IEI). La Grande-Bretagne y participe et reste arrimée à la défense de l’Europe. Cette instance, complémentaire des structures mises en place, a pour objectif de faire converger les cultures stratégiques des États membres, afin de les mettre en cohérence. Et c’est bien cela qu’il nous faut rechercher, et ce dans tous les domaines : convergence et cohérence.

Dans le domaine économique, les citoyens européens mais également les entreprises attendent une meilleure intégration.

Sur l’euro d’abord, grâce à la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne (BCE), nous avons une monnaie puissante et stable, qui nous a permis notamment de faire face à la crise de 2008 ou à la hausse des prix des hydrocarbures.

À l’inverse de la politique monétaire de la BCE, il n’y a jamais eu de politique budgétaire commune, ce qui a été un facteur de fragilité, car les États ont mené des politiques budgétaires sans aucune coordination, les exemples les plus extrêmes étant l’Allemagne et la Grèce. Heureusement, inimaginable il y a encore deux ans, un budget de la zone euro est en cours de définition sous l’impulsion française. Quoique timide pour le moment, il s’agit d’une avancée majeure.

Toujours à l’initiative du Gouvernement français, la directive sur les travailleurs détachés a été revisitée. Preuve que l’Europe peut – et surtout doit – être sociale.

La convergence doit également se faire sur la fiscalité. Comme l’a rappelé la Ministre, « l’évasion fiscale au niveau européen, ce sont 880 milliards d’euros de perdus chaque année ». En comparaison, le budget de l’Union européenne pour 2019 est de 166 milliards d’euros. Curieusement, certaines entreprises appellent de leurs vœux une convergence fiscale. Ainsi, Google souhaiterait une taxe unifiée, plutôt que des législations disparates. Preuve que les GAFA sont enclins à tenir compte de la volonté européenne.

Enfin, pour protéger notre économie et nos emplois, une stratégie industrielle et une politique de protection de nos actifs stratégiques sont nécessaires. Si la politique de la concurrence a jusqu’alors largement protégé les consommateurs européens, l’exemple du refus de la fusion entre Alstom et Siemens montre que nous arrivons aux limites de la logique qui a présidé jusqu’alors et qu’il faut redéfinir de nouvelles règles.

L’Union européenne est un idéal politique, elle ne peut se limiter aux seuls aspects économiques. La culture et l’éducation sont des vecteurs puissants d’intégration européenne. Des dispositifs existent, dont le très emblématique Erasmus qu’il s’agit maintenant d’ouvrir à un plus large public, comme la possibilité offerte aux apprentis d’en bénéficier.

D’autres dispositifs méconnus existent, comme le Service volontaire européen, équivalent de notre service civique.

La culture est largement soutenue par les fonds européens. Ainsi, près de 80 % des films européens présentés au festival de Cannes l’an dernier ont bénéficié de fonds européens. L’Union contribue également à de très nombreux programmes de rénovations patrimoniales. Cependant, tout comme d’autres financements accordés par les fonds européens, ces réalisations ne disposent pas de toute la lumière qu’elles méritent, particulièrement en France. Il y a là un véritable déficit de visibilité.

À l’ère du numérique, la France est à l’origine d’une nouvelle réglementation européenne en matière de droits d’auteur. En outre, le règlement général sur la protection des données (RGPD) est une avancée européenne, unique au monde, pour protéger la vie privée de ses citoyens.

L’intégration européenne renvoie également aux questions d’immigration. La crise migratoire qu’a connue l’Europe a suscité beaucoup de fantasmes et a été largement instrumentalisée. Surtout, elle a donné une nouvelle preuve de la désunion des États membres.

Plutôt que de laisser cette thématique aux populistes, il faut s’en saisir. Il ne s’agit pas que d’une posture politique : il en va de l’existence de centaines de milliers de personnes. Il est de notre responsabilité d’avoir une attitude volontariste pour gérer ces flux de manière humaine, tout en préservant les équilibres au sein de notre Union. De même, c’est seulement en ayant une approche globale et collective que nous pourrons avoir un impact sur les causes de l’émigration.

Enfin, et c’est le défi majeur qui se pose à nous, l’Union européenne est la seule échelle crédible pour aborder les questions écologiques et environnementales. C’est avec le soutien de l’ensemble des États membres que la COP 21 de Paris a pu être un succès.

Bien que faisant figure d’exemple, l’Union européenne peut et doit encore aller plus loin dans son engagement. Ayons une vision ambitieuse pour notre politique industrielle et faisons de l’Union une véritable puissance écologique. La banque européenne d’investissement pourrait avoir un rôle renforcé pour faire émerger cette industrie verte.

L’Union européenne : un modèle unique

Composée de « petits pays et d’autres qui s’imaginent encore ne pas l’être », cette construction est notre meilleur atout pour l’avenir, face aux États-Unis, à la Russie ou à la Chine, pour promouvoir la voix singulière que nous voulons incarner dans le monde en termes de protection des droits fondamentaux, liberté d’expression, liberté de la presse, transparence, sécurité et régulation, enjeux culturels.

À l’aube des élections qui désigneront nos futurs représentants au Parlement européen, il nous appartient de faire vivre ces idées et d’être ambitieux pour la renaissance de l’Europe.

Rendez-vous prochainement pour « Une année européenne #9 » !

Natalia Pouzyreff 
Députée des Yvelines

 

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