Une année européenne #7 : La République tchèque, entre Est et Ouest7 min read

Alors que nous nous approchons des échéances européennes du 26 mai, je poursuis mes pérégrinations européennes. De passage à Prague, j’ai eu l’opportunité de balayer quelques grandes thématiques du débat actuel : sécurité et défense, société civile et démocratie.

Il y a 100 ans étaient signés les traités de Versailles, de Saint-Germain-en-Laye et de Neuilly qui mettaient un terme à la Première guerre mondiale en Europe. Le démantèlement des empires centraux laissait la place au concept d’État-nation, appuyé par les 14 points du président américain Wilson. Naissait ainsi, entre autres, la Tchécoslovaquie.

Cet éveil des nations au « Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », jusque-là sous la coupe des empires, n’a pas prémuni l’Europe d’un retour de la guerre.

Aujourd’hui, nous observons en Europe la résurgence de ce même besoin identitaire.

Invitée à participer à un colloque sur la sécurité intérieure à Prague, j’ai eu l’opportunité de me rendre en République tchèque. Lors de ce colloque, les participants d’Europe occidentale ont été surpris par l’abondance de questions des auditeurs tchèques sur la manière dont Allemands, Belges ou Français géraient la menace terroriste, en lien avec le flux de migrations en provenance du pourtour méditerranéen.

Tour à tour, les intervenants ont exposé les dispositifs de renseignements et d’actions mis en place dans les différents pays, dont la prise en compte de la radicalisation en prison, tout en s’interrogeant : pourquoi tant de craintes ? En effet, les pays d’Europe centrale ou de l’Est sont relativement peu exposés à ces problématiques. Nos hôtes tchèques ont reconnu que ces migrants, peu nombreux, ne sont qu’en transit chez eux et qu’il n’y a aucun foyer de radicalisation.

Population 2018

10,61 M d’hab

Résidents étrangers 2017 (plus de 12 mois)

524 142 (4,9 % de la pop)

Dont immigration UE

219 708 (2,1 %)

Dont immigration extra-UE

Dont Ukrainiens

Dont Vietnamiens

288 621 (2,7 %)

114 735 (1,1 %)

59 416 (0,6 %)

L’immigration extra-UE en République tchèque est essentiellement en provenance d’Ukraine (~115 000 résidents en 2017). Celle-ci répond au besoin croissant de main-d’œuvre, du fait d’une faible démographie conjuguée à un important dynamisme économique.

Depuis son entrée dans l’Union en 2002, la République tchèque a connu une hausse de l’immigration, très majoritairement en provenance de l’ancien bloc soviétique (333 000 résidents en 2017). Ceci, couplé à la faible natalité, contribue certainement au réflexe identitaire actuel. Il est possible de faire un parallèle avec le Royaume-Uni : bien que très marginalement concernée par la crise migratoire actuelle, l’île a effectivement connu une importante immigration en provenance d’Europe de l’Est depuis une décennie. Un amalgame entre les divers types d’immigration a été fait outre-Manche conduisant au repli souverainiste et, in fine, au Brexit.

Depuis son entrée dans l’UE, la République tchèque connaît un âge d’or. Les Tchèques profitent d’une amélioration substantielle de leur niveau de vie. Le pays attire de plus en plus d’investissements (aussi bien d’Europe occidentale que de Chine ou de Russie) et d’expatriés d’Europe de l’Ouest.

Cependant, comme dans le reste de l’Europe centrale et de l’Est, on observe, en République tchèque, une exploitation de la question migratoire par les gouvernants pour entretenir et justifier une politique de défiance vis-à-vis de l’UE. 

En outre, la Tchéquie n’est pas épargnée par les fake news. Des médias étrangers commentent l’actualité nationale, en langue locale, instrumentalisant les ardeurs nationalistes et populistes contre l’Union européenne. Ne nous y trompons pas : de tels vecteurs de désinformation officient également en France, et dans de nombreux pays d’Europe. À l’approche des élections européennes, il nous faut demeurer vigilants.

Pour autant, en République tchèque, comme dans d’autres pays issus des derniers élargissements, émergent mouvements alternatifs et partis politiques pro-européens. J’ai pu discuter avec diverses émanations de ces nouveaux mouvements, tel le parti pirate, en faveur d’une démocratie directe et déjà au parlement européen, un élu du nouveau conseil municipal de Prague, ou encore Progressive Slovakia, ces derniers ayant En Marche ! pour modèle.

Ce séjour fut également l’occasion de rencontrer les marcheurs du comité local pragois.

J’ai profité de mon passage à Prague pour me rendre au siège de l’agence européenne Galileo (GSA). Cette agence chapeaute le centre de sécurité et de contrôle (GSMC) qui se trouve dans ma circonscription à Saint-Germain-en-Laye.Déjà fort de 200 millions d’utilisateurs, le « GPS européen » est le plus précis des systèmes de navigation par satellite à l’heure actuelle.Il s’agit d’une belle réussite européenne, au service de notre souveraineté.

 La défense tchèque

La France et la République tchèque ont une histoire militaire riche. Des légions tchécoslovaques furent formées en France pendant la Première guerre mondiale, prémices de la future armée de la République de Tchécoslovaquie indépendante. Aussi, les accords de Munich de 1938 ont été vécus comme un véritable abandon.

L’armée tchèque demeure bien entraînée et équipée. Le pays dispose par ailleurs de quelques industries de défense exportatrices.

Les Tchèques comptent bénéficier de la Coopération structurée permanente (CSP) ainsi que du fond européen de défense pour développer leur outil militaire et leur industrie de défense. Pourtant, les forces armées tchèques ont souvent privilégié ces dernières années, des offres extra-européennes pour leurs programmes d’équipement.

Un consensus existe au niveau national pour le déploiement des forces armées. Ainsi, près de 800 hommes étaient déployés en opérations extérieures (OPEX) en 2018 dans le cadre de missions multilatérales (UE, ONU, OTAN, OSCE). Il est envisagé de porter ce nombre à près de 1 200 dès 2019.

Un partenariat important existe entre les armées allemande et tchèque. Cependant, Prague souhaiterait se rapprocher de Paris sur les questions de défense afin de renforcer son engagement opérationnel. Aussi, l’Initiative européenne d’intervention (IEI) lancée par la France en 2018 suscite un vif intérêt.

Bien qu’atlantiste, la République tchèque est défavorable au déploiement d’une base américaine en Pologne. Alors que les États-Unis menacent de se retirer du Traité sur les Forces nucléaires à portée intermédiaire (TFNI)*, Prague craint l’escalade. Le pays se trouverait alors en effet à portée de missiles russes. La diplomatie tchèque œuvre donc auprès des américains et des russes pour abaisser le niveau de tensions.

* Le TFNI a été signé par l’URSS et les États-Unis en 1987. Il proscrit les missiles d’une portée entre 500 km et 5 500 km.

Devant le siège de Galileo à Prague

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