Ouvrons le débat sur la filiation et le droit aux origines6 min read

La question du droit aux origines se pose également pour les enfants nés d’un accouchement sous X et ceux issus de PMA avec dons de gamètes.

Le Conseil d’Etat se prononce sur le lien de filiation et le droit aux origines, il est temps d’ouvrir le débat.

Mercredi 11 juillet 2018, le Conseil d’Etat a publié l’étude « Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain? », qui pose un cadrage juridique pour les modifications à la loi bioéthique proposées par le gouvernement.

Dans le cadre de la réflexion sur cette loi bioéthique, nous sommes plusieurs députés à militer pour que l’accès à leurs origines, de tous les enfants issus d’un don de gamètes ou nés d’une femme ayant accouché sous X, soit reconnu comme un droit fondamental.

Aujourd’hui, le débat se focalise essentiellement autour de l’ouverture de la PMA (Procréation Médicalement Assistée) aux couples de femmes et femmes seules. Les « sages » alertent sur le risque de « dissocier radicalement les fondements biologique et juridique de la filiation d’origine ». Ainsi, ils proposent une solution de « filiation ad hoc » pour les couples de femmes, qui pourrait figurer sur l’acte de naissance de l’enfant, tout en considérant que le secret sur la conception puisse perdurer pour les couples hétérosexuels. Nous émettons, à cet encontre, de vives réserves car cela aurait pour conséquence de créer une inégalité en droit entre enfants de couples hétérosexuels et ceux de couples homosexuels. Cette solution à deux vitesses est contraire à l’intérêt de l’enfant d’un couple de femmes, dans la mesure où il peut la vivre comme une source de discrimination, voire une injustice.

A une époque où la cellule familiale a profondément évolué, et où les techniques de la médecine ont élargi le champ des possibilités pour la transmission de la vie, la société est déjà de fait confrontée à deux types de lien: l’origine biologique et le lien affectif de parentalité. Il nous semble avisé de reconnaître aussi bien l’un que l’autre de ces liens, et ce, quelles que soient les circonstances de la conception.

En ce qui concerne le droit à l’accès aux origines: la solution reprise par le Conseil d’Etat i.e., autoriser « tous les enfants issus d’un don, et ayant été informés par leurs parents, de solliciter à partir de leur majorité l’accès à l’identité d’un donneur » au cas où celui-ci « donnerait son consentement au moment de la première demande formulée par le premier enfant issu de son don », nous paraît équilibrée et adaptée. (En cas de refus et à tout le moins, il s’agit de permettre à tous, un accès à des informations non identifiantes.)

En effet le secret irréversible contrevient à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (« droit au respect de la vie privée et familiale »), qui souligne « l’intérêt vital » des « personnes essayant à établir leur ascendance » à « obtenir les informations qui leur sont indispensables pour découvrir la vérité sur un aspect important de leur identité personnelle ». De plus, cette situation crée une inégalité juridique par rapport aux enfants sous X, qui ont le droit d’accéder à l’identité de leur « mère biologique » si celle-ci y consent, et peuvent accéder à des informations non identifiantes en cas de refus.

Comment se fait-il que ce droit à valeur constitutionnelle européenne, reconnu dans de nombreux pays dont la Belgique et l’Allemagne, reste ignoré en France?

L’accès aux origines, tel qu’il est défini par la proposition du Conseil d’Etat et par les revendications des associations fédérées au sein du Collectif Droits aux origines, permettrait de rétablir une part de vérité qui tend trop souvent à être cachée aux enfants: comme l’explique la sociologue Irène Théry, « les couples de femmes ne mentent jamais à l’enfant sur leur mode de conception » mais au contraire « lèvent le voile sur le mensonge d’une société » qui « dissimule » les dons. En outre, plusieurs exemples d’actualité récente montrent que les enfants issus de PMA ressentent un besoin de rechercher leurs origines lorsqu’ils atteignent l’âge adulte : pour beaucoup d’entre eux, c’est une véritable quête de sens. Le secret est contraire à l’intérêt de l’enfant, qui est trop rarement pris en compte dans les discussions autour du sujet de l’accès aux origines.

Parallèlement, nous appelons élus et citoyens à réfléchir à cette question de fond, qui est la reconnaissance d’une filiation en tant que lien social de parentalité fondé sur le lien affectif, (l’amour du parent qui élève son enfant), afin que tous les couples soient à égalité vis-à-vis de ce que Théry décrit comme un « lien à l’enfant », « inaltérable » et « défini de la même façon » dans toutes les situations possibles, sans avoir à inscrire la modalité de la conception sur l’acte de naissance.

Pour toutes ces raisons, nous proposons que le sujet du lien de filiation et celui du droit aux origines soient placés au cœur de la discussion du projet de loi bioéthique.

Liste des députés La République en Marche cosignataires de la tribune sur le droit aux origines :

Emilie Guérel, Béatrice Piron, Catherine Fabre, Marie-Christine Verdier-Jouclas, Jacqueline Dubois, Corinne Vignon, Claire O’Petit, Danielle Brûlebois

Retrouvez la tribune publiée sur le Huffington Post ici 

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