Etats Généraux de l’Alimentation18 min read

ATELIER SUR L’AGRICULTURE PERI-URBAINE 
Quels enjeux pour la Plaine de Versailles et le plateau des Alluets ?

Mardi 28 novembre de 20h à 23h
Saint-Nom la Bretèche (Yvelines)

 

CONTEXTE GEOGRAPHIQUE

La plaine de Versailles et le plateau des Alluets forment une zone agricole exceptionnelle parce qu’elle se trouve aux portes de l’agglomération parisienne. Cette zone agricole est en pleine évolution :

  • Elle accueille de nouveaux agriculteurs qui ambitionnent de répondre à une demande de plus en plus forte des habitants de la zone : se nourrir avec des produits cultivés localement, dans des conditions positives pour l’environnement, le cadre de vie et la santé des individus.
  • Mais ces agriculteurs – de véritables entrepreneurs – se heurtent à de nombreuses difficultés liées à la croissance urbaine : utilisation de terres agricoles par des projets urbains ou d’équipements, difficulté de pouvoir disposer sur place d’une main d’œuvre suffisante pour le maraîchage et l’horticulture, multiplication des vols dans les vergers et cultures, etc.

 

Pour se repérer :

  • La plaine de Versailles s’étend dans les Yvelines entre le château de Versailles à l’est et la vallée de la Mauldre à l’ouest.
  • Sa partie est, qui se trouve dans le prolongement du parc de Versailles et correspond à l’ancien domaine de chasse des rois de France, a été classée en 2000 au titre de la loi du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque.
  • Le plateau des Alluets est un long et fin plateau perché, dont l’Est est occupée par la forêt de Marly, ancien domaine de chasse royal, traversée par l’autoroute A13. Sa partie Ouest dégage une clairière agricole, organisée autour du village des Alluets-le-Roi.
    Surface agricole utile : 2 852 ha dans une zone qui fait au total entre 7 000 et 8 000 ha.

Les terres du plateau sont favorables aux cultures grâce au placage quaternaire de lœss d’origine éolienne, qui recouvre sur environ 2m d’épaisseur les formations tertiaires d’argile à meulières et de sables et grès de Fontainebleau.

  • L’implantation du centre de télécommunications militaire, dont les antennes occupent près de 45 ha du plateau, assure une certaine protection aux terres agricoles ;
  • Mais si l’essentiel de l’urbanisation est encore aujourd’hui organisé d’une vingtaine d’anciens villages, proches des pentes du plateau, la proximité de la vallée de la Seine industrielle crée une pression urbaine de plus en plus forte.
    http://www.atlas-paysages-yvelines.fr/13-Le-plateau-des-Alluets-Marly.htm

 

INTRODUCTION

La partie Est de la plaine de Versailles, qui se trouve dans le prolongement du parc de Versailles et correspond à l’ancien domaine de chasse des rois de France, a été classée en 2000 au titre de la loi du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque. Ce classement a créé une certaine protection des terres agricoles face à l’urbanisation de plus en plus forte de la zone.

Dans sa partie Ouest et sur le plateau des Alluets, les communes sont restées longtemps très rurales, conservant une activité agricole non négligeable.

Au total, l’urbanisation de cette partie des Yvelines, qui s’est très fortement accélérée après la construction du centre commercial Parly 2 au Chesnay en novembre 1969, a coexisté avec un espace agricole conséquent.

Mais cet équilibre est instable et pourrait rapidement se dégrader. Alors que des nouveaux agriculteurs se sont installés ces dernières années, produisant légumes, fruits, œufs, etc. – souvent sous le label bio – distribués dans les communes de la Plaine de Versailles et celles du bord de Seine (jusqu’à Saint-Germain en Laye), les « entrepreneurs agricoles » doivent faire face à de nombreuses menaces sur leurs activités.

Menaces qui nécessiteraient de nouvelles réponses collectives pour favoriser l’activité de ces entrepreneurs agricoles. Entrepreneurs qui, il faut le souligner, apportent des réponses concrètes à de nouvelles attentes des citoyens, en particulier celle de pouvoir disposer d’une alimentation de qualité, produite localement. Pour pouvoir se nourrir avec des productions agricoles bonnes pour leur santé et celle de leur cadre de vie.

Une étude Ethicity de Mai 2016 intitulée « la rupture, c’est nous ! »* montre que les préoccupations santé, bien-être, le souci du local et du social se renforcent de plus en plus : le consommateur agit de plus en plus comme un citoyen engagé.

L’enjeu aujourd’hui est de reconnaître qu’il existe un « cluster »** d’entrepreneurs agricoles dans cette partie des Yvelines et que ce cluster doit être défendu.

https://www.greenflex.com/wp-content/uploads/2016/05/2016_GF-ETUDE-ETHICITY-2016-Livret.pdf?lp_redirect_1610=http%3A%2F%2Fwww.greenflex.com%2Fwp-content%2Fuploads%2F2016%2F05%2F2016_GF-ETUDE-ETHICITY-2016-Livret.pdf&vid=0&wpl_id=2247&l_type=wplid

** Les clusters sont des réseaux d’entreprises constitués majoritairement de PME et de TPE, fortement ancrés localement, souvent sur un même créneau de production et souvent à une même filière. Dans une économie mondialisée, les clusters permettent, en fédérant les énergies, de conquérir des marchés qui n’auraient pas été accessibles par des entreprises seules.

PROPOSITIONS POUR DÉFENDRE UNE PRODUCTION ALIMENTAIRE LOCALE DE QUALITÉ

DANS LA PLAINE DE VERSAILLES ET SUR LE PLATEAU DES ALLUETS

(ET PLUS LARGEMENT DANS LES ZONES PÉRI-URBAINES)

 

  1. PRENDRE DES MESURES FORTES POUR PRÉSERVER LES TERRES AGRICOLES DE QUALITÉ
  • La pression urbaine se traduit par une consommation irresponsable de terres agricoles

« De 1982 à 2004, les surfaces urbanisées auraient progressé de 40 %, alors que la population n’augmentait que de 10 % et les ménages de 30 %. Cette consommation d’espaces en progression nettement plus rapide que la croissance démographique caractérise le phénomène d’étalement urbain » (extrait du rapport cité ci-dessous).

  • Une solution : faire de la gestion économe de l’espace une cause d’intérêt public

Un rapport de mai 2009 du Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux et du Conseil général de l’environnement et du développement durable – « Protéger les espaces agricoles et naturels face à l’étalement urbain » – a proposé toute une série de mesures.

Les auteurs du rapport font 15 recommandations dont les deux premières ont pour objectif de faire prendre conscience du gaspillage des espaces agricoles et naturels :

  • Mesurer et afficher la consommation d’espaces agricoles et naturels, par une enquête annuelle auprès des communes, en attendant la mise en place d’une couche de données dans les systèmes d’information géographique sur l’utilisation du sol et le droit du sol à la parcelle ;
  • Changer le regard sur les espaces agricoles et faire de la gestion économe de l’espace une cause d’intérêt public ;
    Définir de façon concertée et afficher au niveau national les objectifs souhaitables de consommation d’espaces.

 

Remarque : ce rapport – CGAAER n°1716 / CGEDD n°005089-02 – est disponible sur Internet.

  1. FACILITER L’INSTALLATION DE NOUVEAUX AGRICULTEURS

Achat et location de terres
Des témoignages ont montré que les nouveaux agriculteurs – jeunes ou personnes en reconversion – pouvaient avoir de grandes difficultés pour être reconnus par la SAFER comme interlocuteurs valables.
Alors même que des fermes se libèrent, les projets de maraîchage et d’horticulture, moins consommateurs de surface que des productions de grandes cultures, peuvent être écartés pour favoriser des agriculteurs ayant plus grande « surface financière ».

Proposition 1 
: que la création d’exploitation produisant des fruits, des légumes et des légumineuses (et toute production favorable à une alimentation locale de qualité) soient imposées comme une priorité aux SAFER des zones péri-urbaines.

Proposition 2 : faire appel au financement participatif local pour faciliter le portage financier de la propriété de terres agricoles au bénéfice des agriculteurs exploitants.
La plaine de Versailles et le plateau des Alluets accueillent de nombreux cadres supérieurs et entrepreneurs de plus en plus concernés par la qualité de leur environnement. Un vivier potentiel pour créer un ou des clubs d’investisseurs chargés d’accompagner l’installation de nouveaux agriculteurs. Première action possible : prendre en portage des parts de groupements fonciers agricoles (GFA) – sociétés civiles spécifiques à l’agriculture proches des SCI (Société civile immobilière) –.

Levier pour ces clubs d’investisseurs : une défiscalisation adaptée, à promouvoir dans le cadre de la grande consultation sur le projet de loi en faveur de la croissance des entreprises prévu en 2018.

Des exemples :

Labeliance Agri 2013 « , une société d’investissement créée en mai 2013 et dédiée au développement de projets agricoles.
Elle propose aux particuliers de bénéficier d’une économie fiscale en investissant dans des exploitations agricoles.
Cette initiative a pour objectif d’aider à l’installation et à la transmission des exploitations, leur modernisation et leur extension, ainsi qu’à leur diversification dans les énergies renouvelables.
https://votreargent.lexpress.fr/impots/original-un-produit-de-defiscalisation-specialise-dans-l-agriculture_1586453.html

  1. ASSURER LA PERENNITE ECONOMIQUE DES INSTALLATIONS AGRICOLES EXISTANTES

Les handicaps spécifiques des activités horticole et maraîchère :

  • La difficulté de disposer d’une main d’œuvre suffisante (coût de la vie peu proportionné aux salaires du secteur, en particulier pour le logement),
  • Contraintes de voisinage, pression sociale empêchant de développer certaines activités nouvelles (méthanisation par exemple),
  • Vols et déprédation,
  • Etc …

 

Proposition : adapter les interventions des collectivités locales aux besoins concrets des acteurs de l’agriculture de proximité.

  • Les collectivités locales 
    Il serait souhaitable de motiver les collectivités locales à avoir des politiques de soutien économique à l’appareil de production d’une alimentation locale et pas seulement des interventions sur l’organisation de circuits courts de commercialisation :
  • Faciliter la construction de logements ou de lieux d’accueil pour les ouvriers agricoles ;
  • Soutien aux filières agricoles pas ou peu aidées par la PAC (horticulture, maraîchage, arboriculture…) :
    construction de serres, de chambres froides, équipements…
  • Soutien aux diversifications (agricoles ou para-agricoles) des exploitations permettant de développer les liens aux avec le territoire : aménagements pour la vente directe, création d’un nouvel atelier de production ou de transformation, nouvelles cultures destinées à de nouveaux débouchés ou aux agro-matériaux ;
  • Soutien à la transformation locale des produits ;
  • Soutien à l’implantation d’unités de production d’énergies renouvelables ;
  • Soutien à des initiatives d’économie circulaire (recyclage de déchets, développement de production agricole sur des installations de stockage de déchets inertes, etc.)

Des exemples existent, y compris dans la Plaine de Versailles, qui mériteraient d’être valorisés dans une base de données mise à la disposition des élus locaux.
« Le pouvoir des collectivités locales sur l’agriculture est donc réel et croissant, surtout lorsqu’elles sont motivées par son rapprochement avec le territoire et ses habitants, par la réaffirmation d’un lieu de liens. Le désengagement progressif de l’État de l’aménagement du territoire, les orientations actuelles de la PAC qui soutiennent peu les agricultures de proximités, l’émancipation des collectivités locales, notamment des communautés de communes et d’agglomération, et les nouvelles préoccupations environnementales et alimentaires vont dans le sens d’une réappropriation locale des enjeux agricoles, mais aussi d’une diversité de politiques et de niveaux de soutiens qui tranche avec la tradition de confrontation/cogestion de la profession avec l’État puis avec l’Union européenne. Cette multiplicité de situations et d’acteurs locaux, qui peut placer les territoires en concurrence, est aggravée par les processus d’appel d’offres types Pôles d’excellences rurales et autres territoires de projet avec co-financements nationaux et/ou européens qui facilitent la mise en lien d’acteurs autour de la valorisation de l’agriculture, mais qui oublient aussi certaines zones trop déficitaires en ingénierie territoriale pour être candidates. La répartition des compétences entre collectivités locales laisse en outre l’agriculture au milieu d’une multitude de politiques et donc d’échelles d’intervention que la future réforme des collectivités ne devrait pas vraiment clarifier. Il est donc de la responsabilité des collectivités locales, et notamment des régions, d’inventer les lieux de concertation réguliers nécessaires pour édifier entre elles une gouvernance agricole de proximité cohérente et globale en phase avec les attentes sociales et en dialogue avec la profession. »

Conclusion de l’article « Les collectivités locales à la recherche d’une agriculture de proximité » par Xavier Guiomar, Géographe, Équipe Proximité, UMR SADAPT, AgroParisTech paru dans la revue « pour » du GREP – 2011/2-3 (N° 209-210) –

https://www.cairn.info/revue-pour-2011-2.htm

  1. FACILITER L’APPRENTISSAGE DES JEUNES DANS LES EXPLOITATIONS AGRICOLES ET ATELIERS DE TRANSFORMATION

Avec pour objectif de diffuser plus rapidement les connaissances nécessaires pour la transition agro-écologique.

Les apprentis n’ont pas seulement besoin d’une entreprise et d’un centre de formation : il leur faut aussi trouver un logement à proximité de leur lieu de travail.

Les apprentis en zone rurale sont souvent jeunes (beaucoup de 16-20 ans), ont des revenus modestes (de l’ordre de 500 ou 600 euros) et doivent se loger à la fois à proximité de lieu de formation.

Ou envisager des déplacements importants, souvent sans solution de transports collectifs.

Ces difficultés rendent difficile non seulement la signature de contrats d’apprentissage mais surtout leur poursuite jusqu’à leur terme.

Proposition : Mobiliser les maires pour que des logements pratiques soient mis à disposition des apprentis à proximité de leur lieu de travail… ou prêter des mobylettes !
Dans l’Indre, une association, « Mob d’emploi », propose des aides à la mobilité (cours de code, aide au permis de conduire, prêt de mobylettes).

CONCLUSION

Mettre en place des politiques de développement d’une agriculture de proximité devient un sujet pour les collectivités locales des zones péri-urbaines.

Les élus de la plaine de Versailles ont pu disposer des études et recherches menées sur ce sujet par les chercheurs de l’Inra et de l’AgroParisTech installés localement.

Le départ de ces chercheurs souligne l’importance, pour que les élus prennent des initiatives, de leur mettre à disposition l’information disponible dans ce domaine : la création d’une plateforme Internet collectant expériences, études et informations règlementaires sur le sujet spécifique de l’agriculture en zones péri-urbaines pourrait être une mission confiée à l’AgroParisTech.

Par exemple, en matière d’énergie, il n’est pas facile pour des agriculteurs et des élus locaux d’avoir une information à jour sur les Certificats d’économie d’énergie applicables aux activités agricoles, alors que cet outil peut leur permettre de financer des investissements dans les serres, dans la réhabilitation thermique des bâtiments d’exploitation et de vie, etc.

Une politique de Territoire à énergie positive dans des zones où vivent et travaillent des agriculteurs doit les intégrer comme acteurs majeurs. Il en est de même pour des politiques d’économie circulaire et d’adaptation au changement climatique.

Lors de la négociation des futurs Plans Etat-région 2020-2025, ces objectifs seront une priorité.

Le programme d’Emmanuel Macron pour les élections présidentielles

La transition écologique est une priorité pour aujourd’hui qui affecte tous les secteurs de la vie économique et sociale

Objectif 5 : Accompagner les transitions

Nous accompagnerons les territoires.
L’Etat soutiendra les régions. Il leur accordera des fonds, en contrepartie de leur engagement à réduire leur empreinte environnementale :
– par exemple, à travers le soutien à l’objectif de sortir la France des énergies fossiles, la production d’énergies renouvelables locales,
– les nouvelles formes de mobilité
– et la protection de la biodiversité, au titre de laquelle nous fixerons l’objectif de mettre un terme à l’artificialisation des terres.

ANNEXE

Intervenants :

  • Béatrice PIRON, Députée des Yvelines (3ème circonscription)
  • Première table ronde : L’agriculture locale, entre projet collectif et projets d’acteurs
  • Patrick LOISEL, Maire de Feucherolles et Président de l’APPVPA (Association Patrimoniale de la Plaine de Versailles et du Plateau des Alluets)
  • Alexandre RUECHE, agriculteur, Président des jeunes agriculteurs d’Ile-de-France, Ferme de Pontaly, Bailly
  • Damien BIGNON, agriculteur, La Ferme des Beurreries, Feucherolles
  • Deuxième table ronde : Manger local, est-ce possible entre Versailles et Saint-Germain en Laye ?
  • Jean-Marc GAILLARD, maraîcher, Production fruitière bio, Les-Alluets-Le-Roi
  • Guillaume CAFFIN, artisan, Les Deux Gourmands, Biscuiterie et Miellerie, Crespières
  • Marie DE NAUROIS, animatrice de l’APPVPA
  • Troisième table ronde : Demain, de nouveaux services écologiques locaux demandés aux agriculteurs ?
  • Xavier LAUREAU, Vice-Président de l’APPVPA, Président du Collège des agriculteurs, agriculteur à Bailly, cogérant de La Ferme de Gally
  • Jean-François CARBONNE, Vice-président de l’APPVPA, président de l’association « St Nom la Nature »
    https://fr-fr.facebook.com/saintnomlanature/
  • Dominique TRISTANT, Directeur de la ferme expérimentale de Grignon, Président de l’association Terre des Yvelines

 

Laurence MINE, animatrice des tables rondes, représentante de l’association TEEM dans les Yvelines (TEEM : Transition écologique et énergétique En Marche)

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